LA RÉIFICATION TOTALE DU SEXE HUMAIN COMME STADE SUPRÊME DE L’IMPÉRIALISME DE LA MARCHANDISE

Publié le par Collectif Feignasse

Illustration tirée de la brochure "La fête révolutionnaire" N° 2 de 1970, du comité d'action pour le pouvoir des conseils ouvriers, intitulé "De la sexualité, de son aliénation, de son pouvoir créateur et subversif". http://inventin.lautre.net/livres.html#feterevolutionnaire

 

(...) Le système du fétichisme marchand édifié sur l’isolement est une production circulaire de l’isolement narcissique. L’isolation spectaculaire assure la technique de développement de la marchandise et le développement technique de la marchandisation isole toujours et toujours plus en retour. Chaque pas en avant de la libération des mœurs telle que prônée par l’extrême gauche du Capital qui n’est là pas autre chose que l’avant-garde de la profitabilité générale, aboutit de fait à marchandiser toujours davantage les corps, les cœurs et les âmes, et tous les avancements sélectionnés par le système spectaculaire sont de la sorte ses armes nouvelles pour le renforcement constant des conditions d’isolement et d’esclavage des pitoyables et incommensurables foules solitaires.

L’origine et le principe du spectacle de la marchandise, c’est la perte d’unité du vivre authentique, et l’expansion gigantesque de la sexualisation marchande par la mercantilisation systémique du sexe exprime la totalité de cette corruption où la vraie jouissance radicale du qualitatif réfractaire est transmutée en vulgaire faux plaisir de la quantité commerciale. Le spectacle de la liberté des mœurs n’est que le langage commun de cette séparation où ce qui relie les spectateurs apprivoisés n’est finalement qu’un rapport irréversible à leur propre vie fausse, laquelle maintient leur isolement infini dans ce spectacle de schizophrénie mégapolitaine où l’orgasme illusoire réunit des errances humaines séparées mais en ne les réunissant toujours qu’en tant qu’épaves séparées dans la grande déambulation égarée des braderies lamentables. (...)

Désormais, le spectacle du fétichisme marchand s’est emparé de la totalité du monde et la liberté despotique de l’argent est enfin parvenue à élaborer la fabrique démocratique universelle de cette marchandise si originale qu’est l’être humain chosifié jusqu’en son intimité sexuelle et émotionnelle la plus profonde. Tout s’achète et tout se vend dans le procès réalisé de la mondialisation capitaliste flamboyante qui a digéré toutes les manifestations du vivre humain pour les réécrire adéquatement au marché totalitaire des échanges narcissiques du commerce de l’aliénation consommatoire. (...)

(...) La libération sexuelle est le mouvement par lequel la marchandise se libère des traditions de l’avant-marchandise pour imposer la pure domination du marché de l’offre et de la demande qui permet dès lors le trafic des hommes, des femmes et des enfants conformément à tous les désirs réifiés de la logique du marché des sexualités mécaniques librement circulantes.

Il convient de regarder la société actuelle comme un anti-naturalisme achevé puisqu’il s’agit exclusivement pour elle de nous emmener à l’ « après- l’humain » de telle sorte que l’on atteigne le niveau d’auto-péremption de l’espèce humaine elle-même, ainsi rendue dépassée dans la délectation robotique et obsolète dans le destin historique. En ce sens, le concept de trans-humanité est d’abord synonyme de post-humanité, c’est à dire d’humanité chosifiée donc d’anti-humanité entièrement machinisée dans l’ultra-automatisation de l’affectivité…

Pour le trans-humanisme du profit, tout est appelé à être trans-formé en simulacres et simulations car cela doit permettre de se « libérer » d’une nature humaine archaïque et dérangeante considérée comme ennuyeuse et incommode, encombrante et bien trop limitée au regard de l’illimitation psychotique des forces productives de la licencieuse capitalisation du monde. (...)

Le spectacle dictatorial des emprises scientifiques de l’économie soumet les hommes vivants dans la mesure où l’économie de la science les a préalablement totalement soumis. Il n’est rien d’autre que la chosification rassemblant la Terre comme marché mondial de la marchandise sans limite se développant pour elle-même. Il est le reflet fidèle de la production des choses, et l’objectivation des producteurs comme vulgaires choses humaines devenues instruments du vaste univers des ustensiles de l’onanisme mécanique.

L’implacable tyrannie économique du marché met actuellement à profit l’organisation économico-narcissique de la sexualité. La prospection publicitaire du Capital réifie les humains en marchandises et mène à une destruction complète de leur vraie jouissance humaine, asservie et retournée en pitoyable plaisir factice du système des images-objets. (...)

L’expropriation de la sexualité naturelle des humains au bénéfice des grandes machineries de conditionnement et d’illusion capitalistes s’industrialise et se mondialise. La marchandisation de la sexualité est ainsi une pure libération toujours plus poussée de l’aliénation capitaliste réalisée à tous les niveaux de l’intériorité la plus intime, en tant que la libération du droit sexuel absolu que les hommes réifiés ont sur leur réification humaine permet là l’accumulation mécanique du faux illimité qui entraîne partout l’entière contrefaçon de la vie générique humaine.
La libération sexuelle exprime le stade suprême du Capital qui nous exproprie de notre sexualité véridique. Toute la vie des sociétés dans lesquelles règnent maintenant les conditions modernes de production marchande s’annonce comme une immense accumulation de spectacles sexuels robotiques, névrosés et égotistes. Tout ce qui jadis était directement vécu en jouissance humaine véridique s’est éloigné dorénavant dans une représentation de grotesque faire valoir purement acquisitive et solipsiste. C’est la vie concrète de tous qui s’est dégradée en univers d’angoisse et d’impuissance où la rencontre des corps et des âmes n’a lieu que pour réunir les humains qu’en tant que séparés, séparés de l’autre et séparés de leur propre soi…

Les embrouillements confusionnistes du chaos n’existent pas en soi… Le chaos qui existe aujourd’hui est le chaos de la marchandise. (...)

L’argent doit devenir l’origine théologique du monde dans la totale soumission cabalistique de l’homme au monothéisme spectaculaire du fétichisme de la marchandise.
Le fétichisme de la marchandise est le phénomène social aliénatoire par lequel, dans le mode de production capitaliste, la marchandise sert de support universel aux relations entre les êtres de sorte que cette marchandise façonne à la fois la production de leur perception et la perception de leur production donnant ainsi l’apparence que les rapports sociaux de production et de reproduction de la vie finaliseraient de simples rapports chosifiés entre choses chosifiantes. (...)

Les hommes, privés de véridique conscience sociale, deviennent aliénés et dépossédés par le travail du fétichisme de la marchandise qui se traduit par un double mouvement: réification des rapports sociaux et personnification des choses. (...)

Le morcellement marchand du corps de la vie implique forcément celui de la vie du corps. En réduisant la procréation asservie des humains à des champs capitalistes d’investissement où cellules, spermatozoïdes et ovocytes se présentent comme une immense accumulation de fonctions et d’organes capitalistes divisés où les techniques biologiques viennent séparer, découper et réduire puis réunir les humains en de simples parcelles de profitabilité recomposée, ce qui s’aperçoit c’est bien le procès de travail de la chosification en mouvement. Et le mouvement de cette chosification travaille à briser, fragmenter et pulvériser la totalité humaine pour la réduire à un travail à la chaîne d’aliénation sans limite où l’expérience érotique, amoureuse et parentale cesse d’être geste cosmique et unique pour devenir dérisoire fonction gesticulatoire standardisée. On fabrique ainsi des enfants et des parents transformés en morceaux de spectacle-argent, des miettes ridicules de l’équivalent général abstrait de toutes les marchandises en fragments serviles de volupté mercantile. (...)

L’argent dit propre et l’argent dit sale sont parvenus à cette fusion très spéciale où économie officielle et économie souterraine se combinent partout en une harmonie supérieure qui voit les banquiers distingués côtoyer de manière obscène les racailleux du trafic… Quoi donc de plus normal que ceux qui se retrouvent au carrefour des marchés de la drogue soient donc aussi au confluent des énigmatiques et déguisées circulations d’organes et d’enfants… La robotique de la marchandise totale est arrivée, l’homme machinique neutral en est le centre spectaculaire et délibérément neutralisé. (...)

L’univers entier est une vaste manufacture mondiale de l’intelligence artificielle où les processus bioniques, de numérisation des espaces et du cerveau et de re-constructions génétiques s’imposent comme gigantesque usine comportementale de la quantité et du nombre planétairement standardisés dans la pathologie de l’inversion complète du vivant comme champ de développement de l’in-humain spectaculaire. (...)

L’argent qui possède la spécificité de pouvoir tout s’approprier est par son universalité advenue la toute-puissance spectaculaire d’un pouvoir sans bornes, celui du cosmopolitisme de la marchandise démocratique qui peut tout commercialiser ; les rêves, les peurs, le sang, le sperme, la vie et la mort. Ceux qui s’en étonnent ou s’en effraient et qui sont encore tellement aveuglés qu’ils croient qu’il pourrait en être autrement n’ont décidément rien compris et sont finalement les meilleurs alliés de ce à quoi ils prétendent s’opposer. (...)

Ceux qui espèrent pouvoir arrêter la folie de l’argent en demeurant sur le terrain de l’argent et en prétendant le contenir ne voient précisément pas que son identité est d’être expressément irrépressible et ingouvernable. En fait, il n’y a bien sûr pas d’argent propre car celui-ci est par essence la puissance de corruption qui déporte l’être dans une abjection générale qui confond et échange tout dans une dégradation absolue où toute activité se voit emprisonnée dans les infections du paraître et de l’avoir. (...)

La marchandise est cette illusion en tout lieu effectivement réalisée et le spectacle du monde de l’argent inéluctable sa manifestation générale. En effet, il y a bien longtemps que le spectacle du pécule est devenu l’autre face de la vie arraisonnée par l’artifice : l’équivalent général abstrait de toutes nos existences monétisables. (...)

La théorie vraiment critique est ennemie de toute idéologie de l’argent amendé, épuré, purgé, purifié ou réaménagé, et elle sait qu’elle l’est parce qu’elle est avertie que la réalisation toujours plus poussée du fétichisme de la marchandise à tous les niveaux, en rendant toujours plus difficile aux humains de reconnaître et de nommer l’in-humanité de leur propre abaissement, les place dans l’alternative de refuser la totalité de ce déchoir, ou rien. La pensée qui pense en vérité a dû dès lors apprendre que l’on ne peut pas combattre l’aliénation de la monnaie et ses aboutissements sous des formes monnayant encore l’aliénation.

Guerre de classe, 30 septembre 2020 (extraits)

http://guerredeclasse.fr/2020/09/30/la-reification-totale-du-sexe-humain-comme-stade-supreme-de-limperialisme-de-la-marchandise/

 

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