MANUFRANCE, LE PREMIER GROS COUP DU "MARGOULIN"
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Au tournant des années 1980, Bernard Tapie a soif. Soif d'un gros coup, soif d'une grosse affaire pour montrer qu'il n'est pas qu'un affairiste de seconde zone ou, pire, un margoulin, un petit spéculateur sans scrupule. Certes, il s'est constitué un joli pactole de près de 20 millions de francs en achetant et revendant des imprimeries.
Quoi de mieux que Manufrance, une entreprise centenaire de Saint-Etienne, spécialisée dans les armes de chasse, les cycles, les machines à coudre ou à écrire... Une boîte iconique, unique sponsor des "Verts", l'équipe de foot locale, et qui édite son fameux catalogue, souvent le seul "livre" que des millions d'ouvriers français feuillettent. Sauf que l'entreprise a mal vécu la crise des années 1970 et fait partie de ces "canards boiteux" que l'Etat ne veut plus soutenir. Depuis 1974, les plans de sauvetage se succèdent. En 1980, les dettes à moyen terme de Manufrance se montent à 400 millions de francs et l'entreprise a besoin à très court terme de 50 millions pour payer ses fournisseurs. Tapie obtient à la barre du tribunal l'exploitation de la marque.
Le retour à la réalité pour les milliers de salariés de Manufrance est brutal : plan de restructuration, démantèlement de plusieurs entités de la société... Le charme de Tapie n'opère pas. Il se heurte à la fois aux syndicats et aux politiques locaux. Il finit par lâcher l'affaire six ans plus tard. En février 1986, Manufrance est mise en liquidation judiciaire...
Doté d'un solide appétit, il n'hésite ainsi pas à reprendre, entre 1981 et 1986, la Vie claire, Terraillon, Testut, Look, Wonder, qu'il redresse avec plus ou moins de succès et de dégâts sociaux. Avant de s'en débarrasser sans états d'âme en empochant de substantielles plus-values.
Testut, reprise en 1983 par Tapie, l'entreprise fondée en 1850 était censée conquérir le marché des balances professionnelles. La stratégie fait un flop, et la gestion de l'homme d'affaires lui vaut, en 1996, une condamnation à deux ans de prison avec sursis pour abus de biens sociaux.
https://www.lexpress.fr/actualite/politique/la-pesante-affaire-testut_491874.html
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"Pour la mémoire ouvrière, Bernard tapie restera l'homme d'affaire qui avait voulu dépecer Manufrance en juillet 1980, dont le projet a été repoussé, mais qui a quand même réussi quelques mois plus tard à s'emparer du catalogue MF, de la marque et de certains actifs de l'entreprise pour en faire une opération financière juteuse. Son passage à Saint-Étienne n'a pas été positif, je peux en attester comme témoin actif de cette époque.
La mémoire ouvrière et sociale en général ne peut pas oublier que Bernard Tapie a été un patron-prédateur, destructeur de milliers d'emplois par sa méthode de rachats d'entreprises en difficultés à bas prix, de licenciements massifs puis de revente à prix d'or (balances Terraillon, fixation Look, chaîne La Vie claire, Chasseur français, balances Testut, piles Wonder, Donnay, chaussures Adidas, etc...) et un prévenu condamné par la justice ; 6 mois de prison ferme pour corruption entre l'OM et Valenciennes en 1997 (avec descente de l'OM en 2e division), condamné dans l'affaire du yacht Le Phocea, dans l'affaires des comptes de l'OM, dans Testud, dans l'affaire du Crédit Lyonnais."
Daniel Durand, président du centre d'études et de documentation du mouvement ouvrier ligérien