CONVENTION POUR UN STATUT D'OBJECTEUR DU NUMÉRIQUE, DE NOUVEAUX DROITS POUR LES PRÉCAIRES ?

Publié le par Feignasse irrécupérable

CONVENTION POUR UN STATUT D'OBJECTEUR DU NUMÉRIQUE, DE NOUVEAUX DROITS POUR LES PRÉCAIRES ?

Le collectif stéphanois Halte au contrôle numérique a lancé un projet de rédaction d’un statut d’"objecteur du numérique" lors d’une convention, qui s’est tenue les 15 et 16 septembre 2023 à Saint-Étienne à l’Amicale laïque du Crêt de Roch.

L’idée était de lancer une réflexion collective sur la numérisation de notre vie quotidienne, par le biais d’événements (ouverts au public, en soirée, les 15 et 16 septembre) et de différents ateliers thématiques, parmi lesquels se trouvaient l’atelier Droits Sociaux (sur la numérisation des administrations publiques comme la CAF et Pôle Emploi) et l’atelier travail (sur la numérisation du travail).

Les ateliers Droits sociaux, Travail et Agriculture ont travaillé en commun le samedi 16 matin, puis se sont séparés pour continuer de réfléchir séparément l'après-midi.

Constats dans les administrations publiques

L’outil numérique est utilisé car l’État et les entreprises privées pensent qu’il amène un gain de productivité et en plus il permet le flicage (algorithmes de contrôle, prestataires privés). C’est un outil qui n’est pas vertueux et sur lequel ni les citoyens ni la CNIL n’ont la main.

De plus, il ne fait pas forcément gagner en productivité dans les faits. Le résultat d’une étude de chercheurs à Vienne a montré les coûts cachés qui existait derrière une seule aide sociale. En réalité les administrations publiques sont obligées de payer une boîte privée pour réparer bug, de former des agents du conseil régional sur les logiciels, ce qui revient aussi cher voire plus cher que les gains de productivité escompté.

En plus ces aides dématérialisées ne fonctionnent pas, beaucoup de gens n’y arrivent pas (développement du travail de Changer de Cap). Le numérique pénalise moins les catégories jeunes, cela dit certains jeunes à l’aise avec des téléphones peinent pour faire des démarches administratives sur l’ordinateur (outil différent + complexité de la démarche administrative en tant que telle car les formulaires standards ne permettent pas de résoudre les situations particulières ou complexes).

Revendications, idées :

1. Des guichets avec des humains dans les administrations publiques et plusieurs modes d'accès.

2. Concertation des travailleurs et travailleuses, ainsi que des "experts du vécu" (= usagers) avant de modifier l'organisation du système des administrations publiques. Il faut co-construire, co-améliorer les programmes avec les usagers, que ceux-ci aient leurs mots à dire (cf Changer de CAP qui avait fait remonter des revendications à la CAF).

3. Plus de recours à des agences privées dans le traitement des dossiers (sécurité des données).

4. Plus d'imposition des contrôles des usagers par des algorithmes. Comme revendiqué par Changer de Cap, il faut "Mettre fin aux suspensions préventives des prestations" et "Respecter le reste à vivre et la présomption d'innocence".

5. Implanter dans chaque région et chaque quartier, des guichets de proximité avec un représentant de chaque grand organisme social, des impôts, Pôle Emploi, un travailleur social, un ou plusieurs traducteurs et un médiateur social (cf : revendications de 60 millions de consommateurs). Les humains ont une expertise spécifique essentielle. Contre l'intelligence artificielle faire le choix de l'intelligence collective.

Constats dans le travail

Le télétravail possède des avantages et des désavantages. Il possède cependant des effets délétères selon certaines études, car la coupure du lien social (machines à café, etc) a des effets sur le plan psychologique (cf : cas de dépression et de suicides chez les étudiants pendant le confinement).

De plus l’envahissement de l’espace privé peut avoir a des impacts la vie de famille, cela peut aussi avoir des effets sur les horaires de travail.

L’outil numérique est une technique ambivalente qui n’est pas neutre car il s’agit choix socio-politique fait en amont.

Sur l’autonomie il est important de pouvoir choisir notre façon de travailler. Le numérique conditionne le rythme de travail, c’est un nouveau travail à la chaîne (taylorisme moderne), sauf que les salariés n’arrivent plus à suivre ce rythme donc on les remplace par algorithmes.

Il y a une perte du sens du métier avec numérique, les salariés ne le disent pas mais ils en pâtissent, c’est la destruction du métier.

Et l’IA implique une autre forme d’exploitation, car derrière les algorithmes ce sont des humains qui traitent des milliards de données (mondialisation de l’exploitation, petites mains payées une misère en Amérique latine et dans le Sud), ce sont des personnes recrutées de façon à ne pouvoir jamais s’organiser entre eux (une à Bengladesh, une à l’autre bout du monde).

Revendications idées :

1. Pour les salariés, sur le plan juridique existe des droits qui pourraient être davantage utilisés, comme le "droit de retrait" et le "droit de véto". Le droit de retrait est un droit individuel qu’un salarié ou un agent public peut utiliser parce que ça ne correspond pas à l’éthique de son métier. Le droit de véto c’est pouvoir dire non à telle production ou à telle manière de produire.

2. Le droit d’accéder à ses données personnelles dans l’entreprise, et à leur protection, mérite d’être creusée.

3. Le droit d’avoir du temps pour travailler correctement sans être dérangé sans cesse par des courriels, des SMS, etc. (une sorte de droit à la déconnexion sur le lieu de travail).

S’ouvrent de manière générale les questions du droit à la coopération et du droit au collectif de travail librement choisi. Et particulièrement difficile, la question du droit à l’infraction...

Pourquoi un statut d’objecteur du numérique pour résister ?

Faire valoir des droits dans le climat politique actuel est compliqué, les derniers mouvements sociaux nous l’ont bien montré, toutefois, il y a une réelle nécessité d’agir.

    ◦    Pour tous ceux et toutes celles qui voient leurs vies chavirer à cause de sanctions automatisées imposées par les algorithmes qui leur coupent le minimum vital.

    ◦    Pour tous ces militants qui se font injustement arrêtés et condamnés à cause de la vidéosurveillance (bientôt automatisée) et des fichiers interconnectés.

    ◦    Pour tous ces travailleurs en perte de sens, soumis au rythme de la machine et à la surveillance permanente de leurs employeurs, également contraints de surveiller leurs collègues et leurs pairs issus des classes populaires.

    ◦    Pour tous ceux-là, dont nous faisons partie, la résistance aux outils numérique apparaît essentielle. Nous devons nous battre pour regagner notre dignité et ne plus subir.

Les comptes-rendus des différents atelier sont disponibles ici.

La synthèse des Ateliers Droits Sociaux, Travail et Agriculture sont disponibles ici et ici.

La suite du projet à suivre le site de Halte au contrôle numérique : https://halteaucontrolenumerique.fr/

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